L’histoire de Abdallah

« En Libye, les trafiquants ont dit que si je n’arrivais pas à convaincre ma famille d’envoyer de l’argent, ils me tueraient. Mais le reste de ma famille vit dans un camp ; ils n’avaient pas d’argent à envoyer. Bien sûr, ils ne m’ont pas cru ».

Abdallah vivait à Darfour, une région à l’est du Soudan. Les conflits opposant les milices arabes aux tribus noires, qui représentent la majorité, ont causé la mort de 300 000 personnes dans ces dernières années. Parlant de sa vie au Soudan, il dit : « Aujourd’hui, les gens vivent une situation très difficile. Ils vivent dans des camps, sans eau. Lorsque vous essayez de sortir des camps, de vous échapper, les Janjawids vous attendent à l’extérieur. Ils vous attaquent. Les Janjawids sont des milices constituées par des tribus arabes, venant d’autres pays. Ils veulent tuer les noirs. »

Abdallah vivait dans un village près de Nyala, au sud du Darfour. En 2016, après une attaque des Janjawids, plus de la moitié des habitants du village ont été tués, y compris les frères et sœurs d’Abdallah. Il a quitté le village et est allé vivre dans un camp, même si l’eau n’était pas saine et qu’il avait à peine à manger. Après un an, il a décidé de partir. Quitter le camp était risqué, car il aurait pu être attrapé par les groupes extrémistes qui entouraient son camp. Il est parti dans la nuit et a marché jusqu’à la frontière du Tchad. Il y est resté travailler pendant un an. Chaque jour, il travaillait pour plusieurs marchands, en apportant des produits et des marchandises au marché avec une brouette. Il a pu récolter de l’argent de poche pour se rendre en Lybie en 2018. Le départ pour la Lybie est organisé dans un petit village au croisement entre la Lybie, le Soudan et le Tchad : Tini. Là, un groupe de trafiquants lui a proposé de l’emmener en Lybie. Néanmoins, arrivés à destination, Abdallah a été vendu et emprisonné. Après quelque jour, les trafiquants lui ont demandé d’appeler sa famille.

« En Libye, les trafiquants ont dit que si je n’arrivais pas à convaincre ma famille d’envoyer de l’argent, ils me tueraient. Mais le reste de ma famille vit dans un camp, ils n’avaient pas d’argent à envoyer. Bien sûr, ils ne m’ont pas cru. Ils ont torturé tous ceux qui n’arrivaient pas à leur apporter de l’argent. Parfois, ils ne nous donnaient même pas à manger. Parfois ils nous donnaient des pâtes avec beaucoup de sel et ils ne donnaient pas d’eau à boire. C’était leur méthode pour nous donner soif. Si vous vouliez de l’eau, vous deviez appeler votre famille. Si vous refusez de le faire, ils vous torturent à nouveau. »

De temps en temps, les trafiquants se disputaient. Un jour, certains groupes armés ont attaqué la prison et c’est à ce moment qu’Abdallah a réussi à s’échapper. Toutefois, lorsqu’il courait, des criminels ont essayé de le voler.

« J’ai dit : Je n’ai pas d’argent. Ils avaient un couteau et ils m’ont coupé le visage. »

Abdallah a toujours une cicatrice qui lui rappelle cette attaque. Après deux semaines à l’hôpital, il a décidé de se rendre en Algérie, où il a travaillé pour une entreprise de construction.

« Mais en Algérie il n’y a pas de protection pour les réfugiés. Ils font tout pour vous jeter dehors. Lorsque la police m’a emmené, je n’avais aucun papier sur moi. Ils m’ont amené dans le désert et m’ont laissé là-bas pendant trois jours. »

Abdallah a quitté l’Algérie pour venir au Maroc, en passant par Maghnia. Arrêté à plusieurs reprises par la police, ce n’est que la troisième fois qu’il a pu passer la frontière marocaine.

« À Oujda, la police m’a arrêté et a pris mon sac et tous mes vêtements, me laissant sans rien. Je ne sais pas, peut-être pour me punir et me convaincre de retourner dans mon pays. Je n’avais plus rien. Le HCR m’a donné une maison où dormir pendant quelques jours et a donné 500 dirhams pour trouver un logement. »

Abdallah est aujourd’hui réfugié et vit à Rabat. Il a toujours l’ambition de voyager et de terminer ses études. Son rêve est d’étudier pour devenir un médecin.

« Je veux quitter le Maroc parce que beaucoup de gens ici ne me respectent pas. Quand je monte dans le bus, ils me parlent toujours avec discrimination. J’ai décidé de voyager parce que je veux étudier en Europe et essayer d’aider ma famille. Je voudrais revenir un jour au Soudan et pouvoir améliorer la vie des gens. Je voudrais changer mon propre pays. »

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