L’histoire de La Canadienne

« Au Maroc, on ressent fortement la xénophobie contre les subsahariens. »

La Canadienne, 34 ans, a quitté son pays, la Cote d’Ivoire, avec son mari et ses enfants à cause de la guerre en 2010. Arrivés au Togo, ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas continuer le voyage légalement sans leurs passeports. Rentrée en Côte d’Ivoire pour deux semaines, elle est repartie seule avec ses enfants. Le trajet de la Cote d’Ivoire à la Mauritanie a duré une semaine. Son idée était d’entrer au Maroc, mais ce n’était pas du tout facile. « Il faut avoir l’argent de poche pour toi et pour tes enfants, même si t’a ton passeport et si tu payes le billet. »

Pour résoudre ce problème, La Canadienne a travaillé en Mauritanie comme femme de ménage pour 7 mois. Pour elle, travailler par heure c’était un gros avantage, car il n’y avait personne à qui confier ses enfants et elle pouvait finalement les emmener avec elle. Femme de ménage dans trois maisons différentes, elle rencontrait régulièrement des chauffeurs venant du Maroc pour changer l’argent et accumuler 5.000 dirhams. C’était le prix pour rentrer au Maroc.

La Canadienne raconte que la situation en Mauritanie était tranquille et que les gens étaient très généreux, toujours prêts à aider les autres. « Si t’as besoin, il y a des gens qui t’aident beaucoup et qui peuvent t’acheter de la nourriture et des vêtements, mais il n’y a pas d’associations et les structures sanitaires n’étaient pas satisfaisantes. Ça c’est un problème. »

Quand elle a eu suffisamment d’argent, elle est partie légalement au Maroc avec ses enfants. Son mari, qui avait suivi un trajet différent, l’attendait ici. Il travaillait dans une usine où les subsahariens gagnent 80 dirham par jour et le marocains 100 dirham par jour. Si la santé et les associations sont sans doute meilleures au Maroc, le racisme et les agressions continues représentent un problème.

Installée à Rabat avec sa famille au complet, son premier contant associatif a été avec Caritas International, qui lui a offert plusieurs cours de formation. « J’ai fait une formation de cuisine, car c’était le métier de ma mère, et un cours de coiffure, le métier de ma grande-sœur. Je maitrisais déjà les deux, mais j’avais besoin des certificats ». Entretemps, la Canadienne et sa famille ont obtenu un permis de séjour pour rester au Maroc. Peu à peu la Canadienne, motivée de plus en plus par Caritas, achète des outils de cuisine et commence à préparer des gâteaux d’anniversaire pour des voisins et des amis. Dans le cadre d’un projet de la FOO avec l’OIM, La Canadienne a suivi une formation et son groupe a été sélectionné et aidé dans la réalisation de son projet : ouvrir un restaurant dédié à la cuisine africaine. En 2015, la présidente de la FOO a apprécié son idée et lui a donné la possibilité d’utiliser un espace à l’intérieur de la FOO pour permettre à la start-up “Cuisine Interculturelle” de se développer.

Toutefois, la Canadienne rêve de concrétiser des plus grandes ambitions. Passionnée par la cuisine de différents pays du monde, le Restaurant Interculturel représente le point de départ pour cultiver sa passion comme elle le voudrait. Pour l’instant ses clients principaux sont les mineurs. Dans le futur, elle aimerait préparer des plats différents pour une clientèle plus variée.

Elle ne sait pas si elle va rester au Maroc, car plusieurs choses la troublent. Elle a surtout des doutes par rapport au système éducatif suivi par ses enfants. « Au Maroc je pratique ma religion tranquillement, je suis protestante et je vais à l’église chaque dimanche. Le racisme religieux existe partout mais ce qui est bien au Maroc est que personne ne t’oblige à suivre la religion de l’Etat. » ; Toutefois, la Canadienne, selon son expérience personnelle, a observé que le système éducatif au Maroc n’est pas encore prêt à un accueil et une intégration complète des migrants de religion non-musulmane, qui n’ont pas la possibilité d’être exemptés de l’étude des livres sacrés et de la religion islamique. Un autre aspect controversé concerne les bailleurs des maisons. « Au Maroc, plusieurs bailleurs te donnent leurs maisons sans contrat et ils te demandent de suivre des règles très précises. Par exemple tu ne peux pas recevoir des visiteurs, ou à chaque 2 ans tu dois changer l’endroit où t’habites ; en plus, ils ne te montrent jamais les factures. » Ce élément est désormais très important au Maroc, car le contrat de bail est un prérequis essentiel pour le renouvèlement du permis de séjour. L’avenir pour la Canadienne est encore incertain : elle voudrait ouvrir une crèche ou un restaurant international, où elle pourrait préparer ses plats préférés comme le foutou ivoirien ou le tajine marocain. Toutefois, elle ne sait pas encore dans quel pays elle souhaiterait vivre. « Ici, au Maroc, on travaille pas. On se débrouille pour survivre ».

 

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